Du Simple au Double


Que de surprises cette saison! Avec Tsonga et Monfils dans le dernier carré, respectivement à l'Open d'Australie et Roland Garros, Simon tutoyant plus hautes sphères du classement, on pourrait être tenté de ne retenir que cela - en bons français.

Mais la planète tennis connaît tellement de remous en cette saison 2008 qu'il faut s'intéresser au podium de l'ATP pour y constater des changements inhabituels.

Federer a sauvé sa saison de la plus belle des manières et en repoussant pour la seconde année consécutive l'assaut d'un jeune loup venu soulager sa soif de victoire à New York. L'an passé c'était Djokovic et il avait bien failli créer l'exploit de venir bousculer le "Maître" alors incontesté sur surfaces rapides. Cette fois c'est Murray qui s'est hissé en finale pour tester Roger Federer.

Chassé de son gazon par la débroussailleuse Nadal, Federer a retrouvé ses volées définitives sur la surface américaine. Seul le coup droit d'Andreev a véritablement mis le suisse en difficulté jusqu'à la finale.
Une volée et un jeu efficace retrouvés, un tournoi majeur enfin gagné, et un plaisir de jouer manifeste, la victoire est totale pour le néo numéro 2 mondial sur les terres de Pete Sampras.

Il ne faut tout de même pas s'y tromper, l'équilibre est précaire et la lutte plus dure que jamais en tête du classement ATP. Dans son discours sur le Arthur Ashe, après sa victoire, l'ambassadeur de Rolex a justement souligné la génération qui le bouscule.
Après le mécanique Nadal et le théâtral Djokovic, voilà le hargneux Murray qui se rapproche rapidement.

L'écossais a réalisé cette année la superbe saison américaine qu'avait connu l'actuel numéro 3 mondial, il y a tout juste un an. Le parallèle est intéressant car Djokovic et Murray se sont inclinés face au même Federer en finale de l'US Open. Par la suite, "Nole" a remporté l'Open d'Australie...

La demi-surprise c'est donc Murray. Attendu depuis longtemps, mais longtemps décevant (en comparaison d'un Gasquet plus précoce), Andy Murray a clairement passé un cap. Du joueur talentueux mais trop peu concentré, il est passé à un joueur tenace très compliqué à déborder.
Il invoque en premier lieu - et c'est logique - le travail physique qu'il réalise depuis le début de la saison pour expliquer cette évolution. Mais l'état d'esprit semble aussi avoir changé. C'est peut être le mental qui était le plus décevant chez lui et aujourd'hui il est difficile de lui reprocher quelque chose de ce côté.

Il a un jeu atypique fait de très bons coups de défense ou de contres mais aussi de coups de toucher malicieux. Sur son service, il sait se montrer entreprenant et aller chercher les points au filet.

Il lui a donc fallu plus de temps que prévu mais il est tout en haut à présent. Avec 3 titres (dont un Masters Series) et une finale de Grand Chelem en 2008, il peut ambitionner le podium mondial, en attendant mieux. Il a donc de quoi semer encore un peu plus le trouble dans l'ordre de moins en moins établi du tennis mondial.

La seule certitude est finalement que rien n'est sûr ! Quelques pistes tout de même pour 2009:
  • Federer signe un retour offensif, écoeure la concurrence à coup de volées cristallines et reprend sa place de numéro 1... pourquoi pas?
  • Nadal fait un cavalier seule sur terre battue et gazon; ça lui permet de limiter la casse pour le reste de la saison...plus que possible.
  • Djokovic franchit une nouvelle étape et s'affirme comme le patron sur surfaces rapides et atteint la seconde marche du podium...ça se tient.
  • Le coup de raquette et le fighting spirit de Murray font plier le trio de tête; l'écossais remporte son premier Grand Chelem à Melbourne...pas impossible du tout.
Tous les scenarios sont permis et c'est ce qui fait le charme du tennis actuellement. Bien sûr les chances de voir Nadal et Federer rester aux deux premières places sont élevées.
Mais avec l'arrivée de Djokovic au plus haut niveau en 2007 et celle de Murray en 2008, on est passé de deux à quatre joueurs se battant pour les premiers rôles. Bien malin serait celui qui dévoilerait les noms des vainqueurs des tournois du Grand Chelem 2009.

En attendant ces garçons s'expliqueront à quelques reprises pour la saison d'indoor conclue par la Masters Cup... On est peut être pas encore au bout de nos surprises pour 2008.

Death or Glory...

"...it's just an other story" chantait Joe Strummer avec son groupe, les Clash. Destins croisés pour Nadal et Federer, le premier rentre dans l'histoire, le second attend toujours son record de victoires en Grand Chelem.

Des Bookmakers atypiques:

La terre avait tremblé, lors de la finale de Roland Garros durant laquelle Nadal ne laissait au "meilleur joueur de tous les temps" que 4 petits jeux.
L'onde sismique avait passé la Manche une semaine - seulement - après la retentissante victoire de "Monsieur Terre Battue" à Paris. En effet le numéro 2 mondial, et leader d'une Race effrénée depuis le début de l'année 2008, avait convaincu les observateurs en réussissant un historique doublé Roland Garros-Queens. Borg et Wilander jouaient aux bookmakers et pronostiquaient une victoire de l'espagnol dans l'édition 2008 de Wimbledon.
Tous deux mettaient en avant la différence d'application et d'intensité des entraînements de Nadal et Federer. Le revers de "Rafa", un temps décrit comme faille, fait désormais consensus: slicé, frappé, lifté, ce coup n'est plus une faiblesse pour le mallorcain mais bel et bien une force.

Repenser à ceci, repenser à cela:

Quel match époustouflant! Il y aurait beaucoup de choses à redire sur ce match. Repenser au Federer bousculé du début de match, ratant la balle et cédant rapidement son service dans le premier set; repenser à ce 2ème set que Roger avait parfaitement en main et qu'il laisse filer suite à une balle anodine envoyée dans le couloir (à 4-2, 30-30); repenser aux aces que sort le bâlois pour revenir dans la partie lors du tie break du 3ème set; repenser au passing de revers qui lui permet de sauver un balle de match dans la 4ème manche qu'il finit par emporter; repenser enfin à ce coup droit qui reste dans le filet et donne la victoire à Nadal.

La partie d'échecs:

Ce qui m'a particulièrement marqué au cours de ce match c'est la rigueur tactique de Rafael Nadal. L'espagnol avait fait le choix très clair - et ô combien judicieux - de bloquer le jeu de Federer en jouant systématiquement sur son revers. Très nettement paralysé et cloué au fond du court par cette stratégie dans les deux premiers sets, Federer a réagi en contournant sur son coup droit lors des deux suivants. Il a ainsi pu joue plus d'accélérations de coup droit et prendre l'initiative à l'échange. On a donc eu droit - au delà du talent, suspesnse, engagment - à une superbe lutte tactique entre les deux hommes.

Au final le match se joue à tellement peu de choses que l'on ne peut pas réellement dire que la tactique a été décisive. Cependant le choix stratégique pleinement assumé et mis en place par Nadal a forcément eu tendance à user le suisse, physiquement et mentalement. Nadal apprend par étapes mais aujourd'hui il maîtrise 2 des 3 surfaces du circuit. A ce rythme de progression là, le Grand Chelem est tout à fait envisageable dans les prochaines années.