Football – Il faut soigner ces Bleus (3)

Les reproches pleuvent sur le sélectionneur national, ce qui est assez normal au vu des résultats et du jeu de l'équipe de France à l'Euro 2008. La France a déjà remporté deux fois cette compétition et ne peut se contenter d'une élimination en phase de poule, malgré toutes les circonstances aggravantes que l'on connait. Les critiques sont donc tout à fait acceptables et d'autant plus acceptables lorsque l'on regarde la qualité du « parc de joueurs professionnels » que l'on a en France.

Je vais donc aussi y aller de mes attaques sur le travail de Raymond. Pour rester dans le juste et ne pas polémiquer sur un remplacement, un choix tactique ponctuel, ou même telle ou telle déclaration, il me paraît approprié de se rappeler de l'avant-Euro. Car c'est dans cette période qu'une grande partie des choses se jouent, en particulier pour le sélectionneur qui ne peut ensuite que corriger légèrement le tir.

Avec Chelsea en finale de Ligue des Champions et Lyon en finale de la Coupe de France, Raymond Domenech se retrouve en difficulté et surtout en manque de temps pour préparer son groupe. Et si le –toujours –sélectionneur des Bleus avait bien senti venir l'histoire en établissant une liste élargie à 30 joueurs, on peut s'interroger quant à l'intérêt de ce procédé. En effet les 7 joueurs appelés en soutien, qui ont participé au début de la préparation, devaient servir roues de secours en cas de pépins physiques ou d'incertitude de l'un des 23 supposés. Domenech a bel et bien utilisé les possibilités offertes par la liste élargie puisqu'il a incorporé Gomis, à la faveur d'un exploit contre l'Equateur et Mandanda, comme récompense de sa saison marseillaise, dans le groupe qui est parti en Suisse. Mais au final les plans ne changent pas : ces deux surprises – assez grosses certes – ne concernent que le 2ème ou 3ème gardien et le 3ème ou 4ème attaquant, donc des joueurs ayant peu de chances de dépasser la demi-heure de jeu sur l'ensemble de la compétition.

Le problème du groupe établit par Domenech est qu'il comprend trop d'incertitudes. Derrière les déclarations de joueurs brandissant le bouclier de « cadres » qui savent se transcender, on est dans le flou. Avant la compétition on est incapable de juger de l'état de forme réel de Malouda, Vieira, Thuram, Gallas, Sagnol, Henry, Coupet et Anelka. Tous sont atteints par des circonstances (blessure, retour de blessure, peu de matchs joués dans la saison, mauvaises performances chroniques, mental entamé) et ne peuvent garantir leurs rendements habituels.

Et c'est celui-là mon principal reproche au (peut-être) futur mari d'Estelle Denis : ne pas avoir prévu de plan de rechange. Car il avait fait son possible en demandant le report d'une semaine de la finale de la Coupe de France. Mais cette requête étant restée infructueuse, il aurait été judicieux d'agir en fonction de cela et de la finale de Ligue des Champions perdue par Makelele, Anelka et Malouda. D'autant qu'en appelant au cours des phases qualificatives Nasri, Ben Arfa, Trezeguet, Mexès, Escudé, Lassana Diarra, Flamini, Alou Diarra, Mavuba, Sagna, Frey, Rothen, le cerveau de l'équipe de France s'était offert le luxe d'avoir des alternatives valables et testées sous le maillot de la sélection. Malgré un mois de mai défavorable à l'alignement d'une équipe-type proche de celle de 2006 et un vivier de joueurs en forme, Raymond Domenech est resté sur son idée première. Avec aussi peu de certitudes il a suffit de petits grains de sables (blessures de Vieira et Henry, match nul contre la Roumanie) pour tout enrayer.

Les prétendues forces mentales et collectives des finalistes de la Coupe du Monde 2006 n'ont même pas été entraperçues malgré une courageuse résistance contre l'Italie. Dans ces domaines la France peut trouver l'inspiration dans la terrible équipe d'Allemagne qui vient de retourner le Portugal. Comme la « Mannschaft » qui a vécu des années 1998-2000 difficiles, il faut retrouver un second souffle qui pourra mener les Bleus jusqu'au sommet. Loin d'être inactif et se reposer uniquement sur les anciens lors des éliminatoires, Domenech n'a pas osé partir sur une stratégie plus fougueuse pour le tournoi final. Dommage, aujourd'hui on sait que ce n'était pas la bonne stratégie.

Football – Il faut soigner ces Bleus (2)

Tirer sur l'ambulance n'est pas forcément d'une utilité majeure en ce moment mais il est tout de même important d'évaluer les performances individuelles marquantes des Bleus.

Les joueurs français les moins transparents lors de cet Euro sont assez rapidement identifiables.



Toulalan en tête de liste pour ses prestations fournies, sa hargne et sa volonté, même dans les moments désespérés. Contre l'Italie c'est l'un des très rares joueurs à avoir eu une réaction après le choc de l'exclusion. Déjà très actif à la récupération, le milieu de Lyon a tenté d'aller plus vers l'avant et de prolonger ses courses pour apporter son soutien. Par moments il a même essayé d'enclencher un pressing mais il n'a pas vraiment été suivi dans ces tentatives. Bref à côté d'un Makelele sûr mais très passif, Toulalan a encore impressionné par sa capacité physique et – petite nouveauté en équipe de France – sa force de caractère. Il a prouvé qu'on peut lui faire confiance dans n'importe quel match et qu'il a le profil d'un titulaire.

Ribery est évidemment l'une des satisfactions de l'équipe de France. Dans une moindre mesure que Toulalan puisque le Munichois était très attendu et que l'on ne l'a pas forcément retrouvé à son tout meilleur niveau en Suisse. Néanmoins ses accélérations, sa technicité et sa générosité ont permis aux supporters français d'y croire encore à chaque match. C'est d'ailleurs après sa sortie sur blessure contre l'Italie que l'équipe a commencé à prendre l'eau sérieusement. Sa présence a été très importante dans le jeu et dans les têtes des joueurs, mais maintenant « le Rib » doit franchir un nouveau cap dans les grands matches: mener le jeu des Bleus mais aussi être décisif. L'aprèsEuro se construira sans aucun doute autour de l'humoriste apprenti de l'équipe de France.

Evra figure aussi parmi la liste des joueurs qui peuvent quitter la compétition la tête pas trop basse. En tout cas il est de ceux qui savent qu'ils vont se relever. Le latéral gauche de Manchester United a encore une fois montré un mental supérieur et une couverture de terrain importante. Il n'a pas démérité contre Pays-Bas et a beaucoup tenté contre l'Italie. Outre ses performances supérieures ou égales à celles d'Abidal au poste d'arrière gauche (vu la tournure des événements il est très important de préciser le poste duquel on parle), Evra est peut-être le seul joueur qui parvient à garder sa lucidité après le match contre l'Italie. Comme Toulalan, il a montré qu'il avait la force mentale d'un champion. Cela ne faisait pas un pli mais c'est la première fois qu'il s'affirme autant chez les Bleus. Dans un futur proche il peut prétendre au capitanat.

Benzema était très attendu. Et s'il n'a pas vraiment réussi son Euro, le Lyonnais a tout de même justifié de sa présence dans le 11-type de Raymond Domenech. Deux occasions manquées contre la Roumanie, un but en lucarne que Buffon se refuse à lui donner, des prises de balles intéressantes et une réelle envie d'aller de l'avant, Karim a été actif. On a beaucoup parlé de sont entente avec Ribery et justement les deux compères ont un peu le même problème sur cette compétition : le manque d'efficacité. Son talent est avéré mais il faudra faire très attention à bien l'utiliser.

Football – Il faut soigner ces Bleus (1)

C'est ce que l'on craignait depuis le premier match contre la Roumanie, la France est éliminée après un passage express à l'Euro. Les Italiens qui nous avaient qualifié pour la phase finale ne sont pas allés jusqu'à nous laisser aller en quart.

La France sort donc par la petite porte avec un Euro faible, un seul but marqué, 6 encaissés en 3 matchs. Aucune victoire. Le bilan chiffré est amer et si l'on s'intéresse au bilan humain il paraît tout aussi désastreux.

Cependant je ne vais pas rentrer dans les détails des relations entre les joueurs et de leurs états d'âme. Après un tel échec il convient tout particulièrement de revenir à ce qu'il s'est passé sur le carré vert pour ne pas polluer ses jugements d'idées fumeuses. L'échec est maintenant avéré et il faut s'en servir pour en dégager les enseignements et voir le travail accompli.

Les systèmes de jeu :

    4-4-2 :

C'est le schéma tactique préférentiel mis en place par Domenech en l'absence de Zidane. Dans ce schéma de jeu, les ailiers jouent un rôle important puisqu'ils doivent faire la différence par leurs débordements ou leurs centres. Il revient alors aux deux pointes de conclure les actions. L'un des deux attaquants a aussi pour rôle de tourner autour de l'autre et d'être en appui de l'ailier porteur du ballon. On a vu ce mouvement en particulier lors des matchs de préparation avec le duo Benzema-Ribery même si celui-ci avait plus tendance à rentrer qu'à déborder.

L'avantage de cette organisation est qu'il offre une belle présence sur toutes les lignes. Défensivement la présence de Toulalan et Makelele offre une assez belle sécurité et les milieux latéraux empêchent les contre-attaques développées sur les ailes.

Le revers de la médaille se situe au niveau de la construction et de l'animation offensive. Avec aucun meneur et des milieux en position d'ailiers ayant des consignes de repli défensif, le jeu part de loin et l'on a du mal à trouver les attaquants. Les milieux latéraux se retrouvent trop bas pour pouvoir délivrer de bons ballons en profondeur et les milieux centraux ne participent pas à la construction. Le moindre rendement de Ribery en ailier, et sa tendance naturelle couvrir toute la largeur, posent également problème avec un schéma de ce genre. Autre crainte lors que l'on joue avec ce système : que les milieux latéraux ne soient pas en forme. S'ils ne parviennent pas à faire la différence, les deux attaquants se retrouvent sevrés de ballons et doivent venir les chercher plus bas. Ce système favorise aussi l'éloignement des lignes

La France a évolué de la sorte face à la Roumanie et a confirmé les limites offensives du 4-4-2 de Raymond Domenech.

    4-5-1 (détaillé en 4-2-3-1) :

C'est le schéma de jeu qu'a choisi Raymond Domenech contre les Pays-Bas et lors des 30 dernières minutes du match face à la Roumanie. Dans cette organisation, on a le retour d'un meneur de jeu combiné au milieu avec deux latéraux et deux centraux pour occuper les tâches défensives. Le sélectionneur français avait plus ou moins été contraint de mettre en place ce schéma lors de la dernière coupe du monde pour utiliser pleinement Zidane en tant que meneur sans pour autant lui imposer de replacements défensifs trop contraignants. Cette fois c'est Ribery qui joue le rôle du 10 avec à ses côtés Govou et Malouda ; qui garde le même poste qu'en 2006.

L'animation offensive se fait de façon plus construite que dans le précédent dispositif. Le meneur peut plus facilement trouver l'attaquant de pointe ou les milieux latéraux dans le dos des défenseurs. Il touche beaucoup de ballon et doit autant participer à la construction (orientation du jeu par les passes, se rendre disponible, fluidifier les transmissions de balle) qu'à la décision (prendre sa chance en frappant, délivrer une passe décisive, éliminer un joueur sur un dribble).

Dans ce système l'équipe de France a paru moins bien en place qu'avec le 4-4-2 habituel. Ce schéma permet une construction plus efficace du jeu en passes courtes. La justesse technique et décisionnelle. Ribery ne semble pas complètement à l'aise dans ce rôle même s'il a fait l'un de ses meilleurs (le meilleur ?) matchs en Bleu en jouant à ce poste, dans les éliminatoires contre l'Italie. Sa capacité à se mettre dans le sens du jeu rapidement et son accélération balle au pied sont efficaces mais le joueur du Bayern manque parfois de feeling au niveau du dernier geste. Henry affectionne ce schéma qui lui donne la place royale de finisseur et d'attaquant sur lequel on s'appuie. Il a profité de cette position contre les Pays-Bas en marquant un but, manquant un duel et obtenant un penalty.

Du point de vue du jeu sans ballon, ce système offre la possibilité d'un pressing plus marqué et exercé en premier ressort par les trois milieux offensifs. Dans la réalité des faits peu de joueurs avaient la capacité à faire un véritable pressing à part Toulalan.


 

Au final les choix tactiques ont peu influé sur la performance des Français. Ceux-ci paraissaient avoir plus de repères en 4-4-2. C'est tout à fait logique puisque l'équipe n'a que rarement joué en 4-5-1 et que Ribery n'est pas un spécialiste du poste de meneur axial même s'il a tout le potentiel pour assurer ce rôle à l'avenir.